jeudi 12 avril 2012

Vers l'autre rive

Une longue traversée s’annonce avant que tu ne touches à nouveau terre

Dans cette embarcation sans rames
Tu guettes chaque souffle chaque tremblement du vent dans la voile
Chaque mètre parcouru est un mètre de gagné tu le sais

Dans cette embarcation sans gouvernail
Lorsqu’au large la tempête se lèvera
Tu devras garder le cap
Encore
Lorsque tu verras son visage se dessiner dans l’écume
Et encore
Lorsque tu entendras sa voix dans le chant des sirènes
Garder le cap toujours
Pour lui pour eux pour l’enfant
Pour toi qui n’es plus que pale lueur dans l’obscurité lourde et pesante de ton cœur

Tu te sens si fatiguée
Fatiguée de tout
Tu voudrais dormir pendant un siècle
Et ne te réveiller que pour découvrir que tout cela n’était qu’un cauchemar
Tu voudrais effacer les jours
Rembobiner les nuits
Anéantir le malheur en appeler à d’autres auspices

Lorsqu’enfin tu lèves les yeux
Tu ne vois que bois patiné et ciel menaçant
Le bleu du ciel se noyant dans celui de la mer

Le silence tisse une couverture épaisse
Que seul un albatros perce parfois de son cri

Tu ne sais pas tu ne sais plus réfléchir tout semble brouillé
Tu cherches comment diriger ta colère uniquement contre l’ombre de l’assassin qui a pris la mer à tes côtés
Car celle de la victime et la sienne sont si intimement mêlées que tu ne peux les distinguer
Tu ne pourrais annihiler l’une sans blesser l’autre

La colère reste donc tapie là
Dans le nid de tes entrailles
Se disputant la place avec le chagrin et la tristesse qui submerge tout

Lorsque l’horreur déferle à nouveau sur ta coquille de noix
Tu cherches ta respiration et tu invoques le ciel et les quatre vents

Tu parviendras au port tu le sais
Auprès de l’enfant d’elle
Qui t’attend




dimanche 8 avril 2012

Pour deux ou trois mots

pour deux ou trois mots
murmurés à mon oreille

j’ai troqué le monde contre un rien
dans l’éclairage neuf d’un matin d’été

je laisse
les choses où elles sont
inchangées dans le manteau du temps

je laisse
les morts dans leur terre
dans l'éther dans les souvenirs dans les mots

plutôt que de remuer toute cette poussière toute cette boue
de mes mains nues en mon cœur
j’élève leur demeure

je suis
le jaune d’un tournesol noyé dans ton regard
je suis
le vert d’un pré aux reflets luisants
je suis
le bleu de la mer se mirant dans l’infini

pour deux ou trois mots
murmurés à mon oreille


mardi 3 avril 2012

Sur l'inertie du blanc

du ventre de quelle couleur suis-je née
noyée
de ce bleu de cobalt tournoyant
ou de celui presque noir
d’une nuit étoilée
dans quels méandres vers quel delta
quels sont les poissons
qui nagent dans mon courant
reconnaîtraient-ils ma voix
si je prononçais leurs noms
à travers quelle roche
sur quel minerai
mon eau
la même toujours
passe-t-elle
sans s’arrêter
jamais
combien de rencontres
combien
de corps engloutis
me faudra-t-il encore charrier
combien de larmes à diluer
d’amants à bercer
vers quels rapides
dans quel fracas
comment
refouler mes larmes
et porter encore
les eaux de ma peine
quelque part
entre ma gorge et mon ventre
priant encore de pouvoir contenir la crue
je suis perdue
dans un labyrinthe bâti d’encre liquide
je cherche sans le trouver le fil
ou les ailes
ou l’asile
je ne peux régurgiter les images
impunément
la compréhension naît quelque part
au milieu de mes entrailles
dans un fatras loin de ma tête
je regarde les mots droit dans les yeux
lorsqu’ils deviennent mouvements
sur l’inertie du blanc
je jette au loin les patronymes
pour élever à bout de bras les initiales

aux ondoiements de la tristesse
sous ma peau
je préfère ceux de la joie
bordant ce chemin